Les grands de ce monde ont sou­vent un ego sur­di­men­sion­né : atten­tion, dan­ger ! Dans un livre sur la com­mu­ni­ca­tion, Calvin Miller présente le prob­lème sous forme de let­tre : « Cher ora­teur, votre ego est comme un mur entre nous. Je ne vous importe pas, n’est-ce pas ? Ce qui vous importe avant tout, c’est l’efficacité et la qual­ité de votre dis­cours. Vous avez peur que je n’applaudisse pas, n’est-ce pas ? Vous craignez que vos blagues ne me fassent pas rire, ou que vos anec­dotes sen­ti­men­tales ne me fassent pas pleur­er. Vous êtes telle­ment préoc­cupé par l’accueil que je réserve à votre dis­cours que vous n’avez pas du tout pen­sé à moi. J’aurais pu vous aimer, mais votre amour-pro­pre est si grand que le mien n’est pas vrai­ment néces­saire. Si je ne vous accorde pas mon atten­tion, c’est parce que je me sens telle­ment inutile. Quand je vous vois der­rière le micro, je vois Nar­cisse devant son miroir : “Ma cra­vate est-elle droite ? Suis-je bien coif­fé ? Mon apparence est-elle impec­ca­ble ? Mon élo­cu­tion est-elle par­faite ?” Vous sem­blez tout con­trôler, sauf votre audi­toire. Vous voyez tout si bien, sauf nous. J’ai bien peur que cet aveu­gle­ment à notre endroit nous rende sourds à vos pro­pos. Désolé, mais il faut qu’on parte. Appelez-nous un peu plus tard. Nous revien­drons quand vous serez suff­isam­ment authen­tique pour nous voir, une fois vos rêves anéan­tis, votre cœur brisé et votre arro­gance détru­ite par le dés­espoir. Alors il y aura de la place pour nous tous dans votre monde. Alors vous vous moquerez qu’on applaud­isse ou non votre brio. Vous serez l’un des nôtres ».