En 1882, Joseph Richardson, homme d’affaires new-yorkais, possède une étroite bande de terrain sur Lexington Avenue. Elle fait à peine deux mètres de large et un trentaine de mètres de long. Un de ses collègues, Hyman N. Sarner, est propriétaire d’un lot adjacent, de taille normale. Comme il veut construire des appartements qui donnent sur l’avenue, il offre à Richardson mille dollars pour la minuscule parcelle. Profondément vexé par cette offre ridicule, Richardson en demande cinq mille dollars. Sarner refuse, Richardson le traite de pingre et lui claque la porte au nez. Sarner suppose que le terrain va rester libre et fait construire un immeuble avec vue par-dessus la propriété de Richardson. Mais lorsque ce dernier voit les travaux achevés, il décide de réagir. Personne ne va bénéficier d’une vue dégagée à travers son terrain ! Alors, à 75 ans, il y fait ériger un immeuble, large de deux mètres, long de trente mètres et haut de quatre étages. À peine la construction achevée, lui et sa femme y emménagent. Dans les escaliers comme dans les couloirs ne passe qu’une personne à la fois. La table de la cuisine mesure 45 cm de large. L’immeuble est surnommé « la maison de la rancune ». Richardson y vivra encore avec sa femme les quatorze dernières années de sa vie. En 1915, elle sera démolie. Voilà le genre de demeure solitaire et étroite que peut bâtir l’esprit de revanche. Leurs occupants n’ont qu’un seul but : rendre quelqu’un malheureux. Gagné, c’est eux-mêmes !